La protection fonctionnelle des élus locaux assurée
La multiplication des mises en cause des responsables d'exécutif des collectivités territoriales, y compris pour des délits d'imprudence ou de négligence, a entraîné une recherche accrue de protection de la part des élus locaux.
De 2008 à 2014, plus de 1 200 élus locaux ont été poursuivis devant les tribunaux, soit une augmentation de près de 90 % par rapport à la mandature précédente (2001-2008). Des projections montrent que le nombre d'élus mis en cause devrait dépasser 1 500 lors de la mandature achevée en 2020 (Source : Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale, rapport annuel 2018).
Simultanément, les agressions commises à l'encontre de maires et d'élus communaux ont connu une progression sensible. En 2018, 361 maires ou adjoints ont été victimes d'atteintes volontaires à l'intégrité physique, nombre en augmentation par rapport aux années précédentes.
Mais l'octroi par les communes d’une protection fonctionnelle aux élus engendrant des coûts difficilement prévisibles, susceptibles de peser sur les budgets de fonctionnement (notamment s'il s'agit de compenser un handicap permanent). L’État a été appelé à la rescousse.
1. Le régime de responsabilité et de protection des élus communaux a été progressivement élargi
D’abord reconnue par la jurisprudence par référence au régime applicable aux agents publics (CE, 5 mai 1971, no 794094, Gillet : Lebon, p. 324), la protection fonctionnelle des élus locaux a été consacrée puis renforcée par le législateur au début des années 2000. Le Code général des collectivités territoriales (art. L. 2123-34 et L.2123-35) distingue deux régimes de protection fonctionnelle applicables aux maires et élus communaux.
1.1. La protection des élus faisant l'objet de poursuites pénales et civiles
Prévu à l'article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), ce régime consiste, pour l'essentiel, à assurer la prise en charge des honoraires d'avocats et des frais de justice engagés par l'élu pour sa défense. Ne bénéficient de cette protection que les maires et les élus les suppléant dans l'exercice de leurs fonctions ou ayant reçu une délégation. En sont donc exclus les autres conseillers municipaux. La protection ne peut toutefois être accordée que pour des « faits qui n'ont pas le caractère détachable de l'exercice de ses fonctions ».
Le CGCT prévoit une exception à la prise en charge de la protection fonctionnelle par la commune : lorsque le maire ou l'élu municipal concerné est poursuivi pour des faits qu'il a accomplis en tant qu'agent de l'État, c'est à ce dernier, et non à la collectivité, d'assurer la protection fonctionnelle.
1.2. La protection des élus contre les violences, menaces ou outrages
L'article L. 2123-35 apporte un second régime de protection fonctionnelle aux maires et élus communaux victimes de « violences, de menaces ou d'outrages » et, plus généralement, de toute forme d'attaque, dans le cadre de leurs fonctions (la liste des infractions visées par l'article a été étendue par la jurisprudence à toute menace ou attaque du fait ou à l'occasion des fonctions, notamment aux injures et diffamations.). En plus d’éventuels frais de justice, la commune est tenue de réparer le préjudice causé à l'élu, notamment financier.
Un refus illégal engagerait la responsabilité de la commune s'il en découle un préjudice pour l'élu (CE, 17 mai 1995, no 141635, Kalfon). Par ailleurs, plus récemment, le Conseil d’État a confirmé que la protection s’étendait à un ancien maire (CE 8 juill. 2020, no 427002).
Comme pour la protection en cas de poursuites pénales ou civiles, ce régime a été étendu par une loi du 18 mars 2003 aux conjoints, enfants et ascendants directs de ces élus, lorsqu'ils décèdent dans l'exercice de leurs fonctions ou du fait de leurs fonctions.
La commune est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs de ces infractions la restitution des sommes versées à l'élu intéressé. Elle dispose en outre d'une action directe qu'elle peut exercer, au besoin par voie de constitution de partie civile, devant la juridiction pénale.
Une circulaire du ministre de la Justice, du 6 novembre 2019, relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif, préconise une politique pénale ferme de répression des actes commis à leur encontre.
2. La souscription obligatoire d'un contrat d'assurance
La souscription obligatoire d'un contrat d'assurance visant à couvrir les coûts de la protection fonctionnelle a été rendue obligatoire par la loi no 2019-1461 du 27 décembre 2019 (art. 104).
Désormais, les communes sont tenues de souscrire, dans un contrat d'assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de l'obligation de protection à l'égard du maire et des élus. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le montant payé par la commune au titre de cette souscription fait l'objet d'une compensation par l'État. La loi de 2019 a étendu ce régime à la Polynésie française.
Le barème de la compensation par l'État des sommes payées par les communes de moins de 3 500 habitants pour la souscription de contrats d'assurance relatifs à la protection fonctionnelle de leurs élus a été fixé par le décret no 2020-1072 du 18 août 2020 :
Population (en nombre d'habitants)Montant de la compensation annuelle
De 1 à 99 habitants72 €
De 100 à 499 habitants87 €
De 500 à 1 499 habitants102 €
De 1 500 à 2 499 habitants117 €
De 2 500 à 3 499 habitants133 €
Le comité des finances locales n’a pas manqué de relever la modestie de cette compensation. Par ailleurs, certains élus locaux souhaiteraient que les agents territoriaux bénéficiant, de par leur statut, d’une protection fonctionnelle et subissant des outrages ou des dommages dans l’exercice de leurs missions, voient leur protection ne pas trop peser sur les deniers propres des communes.