Confiance, rapidité, sécurité : Issy les Moulineaux tire un bilan de l’utilisation des machines à voter
Objet de fantasme et de craintes, les machines à voter ne sont pas très répandues en France. Une ville fait figure d’exception depuis presque 15 ans : Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Guillaume Lenoble, directeur général adjoint de la ville d’Issy-les-Moulineaux explique pourquoi, selon lui, les machines à voter sont fiables et en quoi, en ces temps de crise du covid-19, elles sont peut-être la solution pour voter en toute sécurité sanitaire.
Depuis combien de temps y a-t-il des machines à voter à Issy et quel bilan tirez-vous de leur utilisation ?
Issy-les-Moulineaux a des machines à voter depuis 2007. De tests avaient été effectué en 2006 pour évaluer le dispositif, pour tenter de moderniser, de rendre plus accessible, de rendre plus fluide les opérations électorales, les sécuriser aussi. La pratique nous a montré que sur tous ces points-là, les machines à voter étaient intéressantes.
Nous tirons trois enseignements. D’abord la confiance des électeurs. Les machines à voter n’ont eu aucun impact sur le taux de participation, ni à la hausse ni à la baisse. Mais pour cela il faut accompagner les électeurs, faire de la pédagogie pour qu’ils comprennent comment les machines fonctionnent, bien qu’elles soient très intuitives, et notamment insister sur l’aspect sécurisé du vote. Les électeurs s’y sont habitués et ils reconnaissent que c’est plus simple et plus rapide.
Ensuite, l’organisation des opérations de votes est nettement plus efficace. Urnes classiques ou machines à voter, la composition d’un bureau de vote reste la même : président·e, assesseur·es, soutien administratif pour faire tourner le bureau de vote. La différence, c’est qu’une fois les opérations de vote clôturées, que les bureaux de vote sont fermés, nous ne comptons pas les bulletins. Quelques minutes après 20 heures, les résultats des bureaux sont connus.
Enfin, la sécurité des opérations. Pour que cela fonctionne, il faut que les gens aient confiance. Pendant l’opération de vote, les machines ne sont pas connectées à un quelconque réseau, contrairement à la croyance populaire. Elles sont complètement isolées. Derrière les machines, beaucoup fantasment un complot de gens qui auraient les moyens et la technique d’organiser une fraude à grande échelle. Tout cela est du ressort du fantasme. On a l’impression que l’urne est plus sécure parce que l’on voit de ses yeux comment cela fonctionne plutôt qu’une boite avec des circuits électroniques. Mais à chaque élection il y a des histoires de citoyens qui bourrent les urnes, c’est simple et à la portée de tout le monde. Et, dans une certaine mesure, cela nous rassure peut-être. La réglementation prévoir un certain nombre de contraintes et d’étapes pour garantir que les machines sont intègres. Et à Issy, nous avons ajouté des étapes. Quelques jours avant les opérations de votes, les machines sont scellées en présence des différents candidats et d’un huissier, avant d’être mises sous clés jusqu’au dimanche du vote.
Y’a-t-il des inconvénients aux machines à voter et ne pas faire participer les citoyens au dépouillement et au comptage des voix en est-il un ?
Il y a des inconvénients, mais d’ordre technique. À la différence d’une urne, une machine peut tomber en panne. Il faut donc être prêt et avoir prévu un certain nombre de sécurités qui permettent d’assurer la continuité des opérations de vote. Mais ce sont des matériels très robustes. Cela arrive qu’il y ait des problèmes, mais ce n’est pas définitif et le plus souvent lié à une mauvaise manipulation. Il suffit d’avoir des machines de secours. Pour 47 bureaux de vote, nous avons 54 machines. Le défi principal d’une opération de vote c’est l’aspect logistique et juridique du vote lui-même et cette surcouche technique est relativement anecdotique par rapport au reste.
Pour ce qui est dépouillement et du comptage des voix par les citoyens, je réponds de manière pragmatique. C’est vrai, mais en pratique, dans une grande ville comme Issy (70 000 habitants), combien de citoyens participent au dépouillement sans se sentir obligés ? Très peu. Nous avons une démocratie suffisamment vivante et forte pour nous permettre d’utiliser des machines à voter. Ces dernières années de nombreux outils de démocratie participative et concertation se sont développés. Pour un citoyen qui souhaite s’investir dans la vie de la cité, au niveau local, le dépouillement des bulletins est-il primordial ou n’y a-t-il pas d’autres moyens qui lui permettront de faire porter sa voix ? J’entends cet argument, mais je pense qu’il procède d’une vision assez idéalisée de l’investissement des citoyens. D’autre part je pense qu’il y a bien d’autres voies pour s’investir dans la démocratie et qui me paraissent plus intéressantes.
De nombreux bureaux de vote classiques ont été des clusters lors des élections municipales de juin 2020. Des députés ont voulu autoriser le vote par correspondance, mais finalement les machines à voter ne sont-elles pas la solution ?
En temps de crise covid, il n’y a pas de comparaison possible. Avec les machines, un seul matériel sert aux votes. Il faut simplement nettoyer après chaque passage et c’est la garantie qu’il n’y a pas de transmission du virus, on ne multiplie pas les surfaces de contacts. Pas comme les isoloirs, les papiers. Et surtout on concentre moins de monde à un même endroit en même temps, que ce soit pour les opérations de votes comme pour les opérations de comptage. D’une manière générale, c’est plus fluide et plus rapide de voter sur une machine.
Je suis persuadé que les machines à voter sont la solution sanitaire pour plusieurs raisons. Contrairement à des votes par correspondance, ou sur internet, ce que l’on ne maitrise pas en France, c’est simple à mettre en place et à utiliser. Si on parle du vote par correspondance, il y a une logistique très importante à mettre en place. Ce n’est pas donc pas crédible que d’imaginer que l’on va, du jour au lendemain, voter par correspondance. Ensuite, le vote par internet, technologiquement, c’est compliqué notamment pour ce qui est de la sécurisation. Il reste donc les machines. On les connait, on les utilise depuis longtemps, elles présentent indéniablement des avantages de ce côté-là. Elles sont simples à mettre en œuvre.